346. Le courage
20 octobre 2012
Mon vélo a crevé. J’ai réalisé ça hier. Le pneu avant a rendu l’âme, complètement éventé par un peu d'usure et quinze années d'exposition au soleil. Un centre de réparations a pignon sur rue au centre-ville d’Anniston. Ça tombe bien car je voulais faire escale à cet endroit pour voir le site d’une page importante de la lutte raciale des années soixante. En 1961, un groupe composé d’hommes et de femmes, blancs et de noirs appelé les “freedom riders” nolise un autocar pour effectuer une tournée symbolique et non-violente des états du sud où le racisme règne. À la gare d’Anniston, le Ku Klux Klan accueille le bus à coups de bâtons, chaînes et tuyaux de métal. Les policiers mis au parfum à l’avance, mais de connivence avec les agresseurs, avaient averti ceux-ci qu’ils ne se présenteraient que quinze minutes plus tard sur les lieux du crime. Stationnés un coin de rue plus loin, les hommes de loi laissent les criminels agir et n’effectuent finalement aucune arrestation. Pire encore, la police laisse l’autobus s’éloigner de la ville suivie par de nombreuses voitures menaçantes. Six milles plus loin, le car gravement endommagé doit s’immobiliser. Les malfrats en profitent pour mettre le feu au véhicule et agresser les passagers. Cet évènement tragique mettra fin au courageux périple des voyageurs de la liberté. Cependant, grâce à un jeune photographe local qui capture les images compromettantes, les journaux nationaux s’emparent de l’affaire et un peu partout au pays, des groupes de défense se forment et enclenchent un mouvement qui changera radicalement la face de l’Amérique. Le centre-ville historique d’Anniston montre de belles vieilles bâtisses habitées par des bars de danseuses, des magasins à un dollar, des prêteurs sur gages et des enterprises qui font du cautionnement pour les accusés en attente de procès. Pas tellement édifiant. Les commerces plus traditionnels ont déserté et se partagent maintenant les abords de l’autoroute. On se tape un petit deux heures en motorisé sur une jolie route en direction sud. Pas encore vu de taudis en Alabama. On dort à Opelika où on trouve de l’essence au bas prix de 3.27$ le gallon. Un record depuis notre arrivée en territoire américain.